Codévelopper des stratégies pour réduire l’utilisation des antibiotiques : le cas des élevages de poulets au Viêt Nam
Auteur : Batie, Chloé
Sous la direction de : Marisa Peyre
Université de Montpellier
Texte français
Mots clés : Épidémiologie, Vietnam, Production de volailles, Asie du Sud-Est, Théorie du changement, Épidémiologie participative, Résistance aux antibiotiques, Transdisciplinarité.
Résumé
La résistance aux antibiotiques est un problème de santé publique mondial et pourrait entraîner des millions de décès si rien n’est fait. En tant que problématique One Health, elle doit être adressée à la fois dans le secteur humain, animal et environnemental. Le Viêt Nam compte près de 100 millions d’habitants, il est l’un des pays d’Asie du Sud-Est dont l’économie et la démographie connaissent la croissance la plus rapide. Le secteur de la production de poulets est en pleine transformation. Le taux de croissance moyen de la population de poulets est de 6 % par an et les élevages s’intensifient. L’utilisation abusive et excessive d’antibiotiques est courante au Viêt Nam car les produits sont facilement accessibles et le secteur peu réglementé. En conséquence, de nombreuses bactéries isolées dans les élevages de poulets sont résistantes aux antibiotiques. Des stratégies existent pour lutter contre cette menace mais sont difficilement mises en place. L’objectif de cette thèse est de codévelopper avec les acteur·rices de la filière poulets et de la chaîne de distribution du médicament vétérinaire des stratégies pour réduire l’utilisation des antibiotiques dans les élevages. Pour répondre à cet objectif, nous avons adopté une approche transdisciplinaire, systémique et participative. Après une étude exploratoire pour comprendre le contexte dans lequel se déroule notre étude, nous avons construit une typologie des pratiques d’utilisation des antibiotiques parmi les différents systèmes de production de poulet. Nous avons identifié trois systèmes de production : les élevages de basse-cour, les élevages familiaux commerciaux et les élevages intensifs. Le processus de prise de décision des éleveur·ses varie en fonction du système de production. Au cours de l’étude exploratoire, nous avons également identifié des changements dans le cadre réglementaire et essayé de comprendre de quelle manière ces changements sont compris, reconnus et appliqués par les acteur·rices de la chaîne de distribution du médicament vétérinaire. Après avoir cartographié la chaîne et identifié la position des parties prenantes concernant les réglementations, nous avons exploré les barrières et les motivations pour les mettre en œuvre. Les principales barrières concernent le manque de capacité des autorités à les faire appliquer, le décalage entre la théorie et les pratiques, le manque de connaissances et la forte proportion de petites exploitations. Étant donné que les éleveur·ses n’auront pas d’autre choix que de s’adapter, nous avons ensuite exploré comment ces acteur·rices font face à la nécessité de réduire l’utilisation des antibiotiques à une échelle locale. Nous avons identifié des solutions telles que l’utilisation de probiotiques fabriqués localement, le partage de connaissances et l’organisation d’éleveur·ses en coopératives. Enfin, tous les résultats obtenus ont été mis en contexte par l’organisation d’ateliers visant à coconstruire des stratégies. Les ateliers ont été organisés au niveau local avec les acteur·rices de la filière poulets et de la chaine de distribution du médicament vétérinaire. Ces stratégies codéveloppées ont pour objectifs d’améliorer la formation et la communication sur la biosécurité et la production biologique. Dans le cadre de ce travail, nous avons identifié des barrières systémiques mais aussi des leviers permettant de réduire l’utilisation des antibiotiques au Viêt Nam. Notre étude souligne la nécessité d’adopter une approche systémique et participative pour codévelopper des solutions et des stratégies. Celles-ci doivent ensuite être diffusées auprès des décideur·ses politiques pour un changement durable des pratiques. Nous avons également identifié le développement d’une filière qualité qui pourrait agir comme un levier au changement. Cependant le développement d’une telle filière devrait se faire en prenant en considération les acteur·rices les plus vulnérables. Des études complémentaires doivent être menées dans ce sens.